Prénoms en Tibet Central
Photo © Mario Colonel
De nos jours, les gens se définissent avant tout par leur prénom. La plupart du temps, lorsque nous parlons de prénoms, nous parlons de ceux que nos parents nous ont donnés à la naissance. Chaque culture a bien sûr sa façon de nommer les enfants. La culture tibétaine a une façon spécifique de nommer les enfants, qui diffère beaucoup de celle de l'Occident.
Tout d'abord, il faut savoir que les noms de famille existent mais qu'ils ne sont plus utilisés couramment. Pour la grande majorité, les gens se désignent les uns les autres par leur prénom. C'est pourquoi nous nous concentrerons uniquement sur les prénoms.
Au Tibet central, les gens ont généralement deux prénoms, chacun comportant deux syllabes. Par exemple, Tsering Yangchen (ཚེ་རིང་དབྱངས་ཅན།) est un prénom de femme de la région de Lhassa. Dawa Tsering (ཟླ་བ་ཚེ་རིང་།) est un nom d'homme également donné dans la région de Lhassa.
Dans les régions de l'Amdo et du Kham, les règles peuvent différer. Par exemple, si vous voyez un nom tibétain à trois syllabes, il peut appartenir à une personne de l'Amdo. Comme d'habitude, nous allons nous concentrer sur le Tibet central, et plus particulièrement sur la région de Lhassa.
1. Comment savoir si c'est un prénom féminin ou masculin ?
Les personnes du Tibet central ont donc deux prénoms.
Le premier de ces prénoms est généralement mixte.
Le second des deux prénoms indique généralement le genre de la personne.
Par exemple, Pema Dolkar (པད་མ་སྒྲོལ་དཀར།) est un prénom de femme, car même si le premier prénom Pema (པད་མ།) est mixte, le second prénom Dolkar (སྒྲོལ་དཀར།) est un prénom exclusivement féminin. Cependant Pema Wangchuk (པད་མ་དབང་ཕྱུག) est un prénom d'homme car Wangchuk (དབང་ཕྱུག) est un nom d'homme.
Parmi les prénoms mixtes, on trouve par exemple Pema (པད་མ།), Dawa (ཟླ་བ།), Pasang (པ་སངས།), Karma (ཀརྨ), Dechen (བདེ་ཆེན།) et Sonam (བསོད་ནམས།).
Pour les prénoms typiquement féminins, vous avez par exemple Wangmo (དབང་མོ།), Yudrön (གཡུ་སྒྲོན།), Lhamo (ལྷ་མོ།), Chokyi (ཆོས་སྐྱིད།), Dekyi (བདེ་སྐྱིད།) et Yangchen (དབྱངས་ཅན།).
Pour les prénoms typiquement masculins, vous avez par exemple Jamyang (འཇམ་དབྱངས།), Jigme (འཇེགས་མེད།), Dorjee (རྡོ་རྗེ།), Phuntsok (ཕན་ཚོགས།), Wangyal (དབང་རྒྱལ།) et Wangdak (དབང་གྲགས།).
Ce qui est délicat, c'est que certains prénoms, bien qu'habituellement mixtes lorsqu'ils sont utilisés comme prénom, peuvent indiquer le genre lorsqu'ils sont utilisés comme second prénom. Par exemple, Tsering (ཚེ་རིང་།) est habituellement un prénom neutre, souvent utilisé en premier prénom. Certains femmes s’appellent Tsering Yudrön (ཚེ་རིང་གཡུ་སྒྲོན།), puisque Tsering (ཚེ་རིང་།) est mixte et Yudrön (གཡུ་སྒྲོན།) est un prénom de femme. Cependant, si Tsering (ཚེ་རིང་།) est en deuxième position, alors il indique un nom masculin. Par exemple, Dawa Tsering (ཟླ་བ་ཚེ་རིང་།) et Pema Tsering (པད་མ་ཚེ་རིང་།) sont des prénoms masculins.
Par contre, exceptionnellement, si le premier des deux prénoms est féminin et que le second est Tsering (ཚེ་རིང་།), il s'agit d'une femme... Ça devient compliqué... ? Allez, avec un peu de pratique, on finit par s'y habituer.
Ces indications peuvent un peu vous aider à déterminer si un prénom est féminin ou masculin. Mais bien sûr, il s'agit simplement d'une recherche empirique, et non une vérité irréfutable. Et puis il existe des exceptions à cette présentation générale, vous pouvez trouver des prénoms qui ne suivent pas ces règles.
Photo © Tibet Kawa Karpo (our partner for Central Tibet)
2. Comment les parents choisissent-ils les prénoms de leurs enfants ?
Les parents vont choisir un prénom qu’ils aiment (comme en Occident).
Ou alors, les parents vont demander à un moine bouddhiste ou à une plus haute figure religieuse de donner un prénom à l'enfant.
3. Que signifient les prénoms tibétains ?
Si un moine bouddhiste ou une haute personnalité donne un prénom à un enfant, ce prénom aura très probablement une signification religieuse. De plus, le moine bouddhiste ou la haute personnalité donne généralement un prénom qui a un lien fort avec sa tradition religieuse.
Cependant, si les parents donnent eux-mêmes un prénom à leur enfant, ce prénom peut avoir de nombreuses significations différentes.
Certains prénoms ont une influence religieuse, qu'il s'agisse du bouddhisme ou du bön (”l'ancienne religion du Tibet" préexistante au bouddhisme).
Souvent, les parents donnent généralement un prénom qui reflète leurs espoirs pour leur enfant. Le nom "Tsering" (ཚེ་རིང་།), que vous avez vu plusieurs fois maintenant, signifie "Longue vie". Le nom "Sherap" (ཤེས་རབ།) signifie "Sagesse". Le nom "Jigme" (འཇེགས་མེད།) signifie "Sans peur".
Ce qui est intéressant, c'est que parfois, les prénoms sont donnés dans certaines régions en particulier. Comme nous l'avons mentionné précédemment, Tsering Yangchen (ཚེ་རིང་དབྱངས་ཅན།) sonne tout à fait "Lhassa". De la même manière, le nom "Phentok" (ཕན་ཐོགས།) fait très Shigasté (une ville de la partie occidentale du Tibet central). Ainsi, si vous rencontrez une personne appelée "Phentok" (ཕན་ཐོགས།), vous pouvez l'impressionner en lui demandant si elle est originaire de Shigasté.
Les parents peuvent donner à leur enfant comme prénom le nom du jour de la semaine où il ou elle est né(e). Les enfants peuvent alors être appelés lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi ou dimanche. En tibétain, ces noms seraient Dawa (ཟླ་བ།), Mingmar (མིག་དམར།), Lhakpa (ལྷག་པ།), Purbu (ཕུར་བུ།), Pasang (པ་སངས།), Penba (སྤེན་པ།) ou Nyima (ཉི་མ།). Ensuite, les parents ajoutent un deuxième prénom. Par exemple, nous vous avons dit plus tôt que Dawa Tsering (ཟླ་བ་ཚེ་རིང་།) était un prénom courant à Lhassa. Eh bien la première partie signifie "lundi".
Il arrive également que les parents donnent un prénom à leur enfant en fonction d'un souhait très précis. Certains parents pensent qu'ils ont déjà assez d'enfants et qu'ils veulent que cet enfant soit le dernier. Ils peuvent alors appeler leur enfant Chungdak (ཆུང་བདག), ce qui peut être traduit par "Junior" ou "Petit". Ils peuvent également appeler l'enfant Chokpa (ཆོག་པ།), ce qui signifie littéralement "C'est assez"...
Si les parents ont déjà perdu des enfants, ils donnent parfois un nom étrange à leurs enfants. En effet, on dit qu'en donnant à ce nouvel enfant un prénom étrange ou carrément laid, on lui éviterait la mauvaise fortune qu'ont connue ses frères et sœurs aînés décédés. Ainsi, certains enfants peuvent être nommés "merde de chien" (en tibétain "Khyi Kyak" ཁྱི་སྐྱགས།) ou "merde de cochon" (en tibétain "Phak Kyak" ཕག་སྐྱགས།).
De même, si un enfant tombe très malade, les parents peuvent lui donner un nouveau prénom, en espérant que la mauvaise fortune disparaîtra avec l'ancien nom.
Mais bien sûr, les parents peuvent aussi choisir des prénom simplement parce qu'ils sonnent particulièrement bien.
4. Donne-t-on des surnoms ?
Vous pensez que deux prénoms de deux syllabes chacun, c'est trop long ? Eh bien, certains Tibétains pensent la même chose.
Certains contractent leurs deux prénoms en un seul. Ils prennent la première syllabe du prénom et la joignent à la première syllabe du second prénom. Par exemple, Tashi Dorjee (བཀྲ་བཤིས་རྡོ་རྗེ།) devient TaDo (བཀྲ་རྡོ།). Tsering Yangchen (ཚེ་རིང་དབྱངས་ཅན།) devient Tseyang (ཚེ་དབྱངས།). Phuntsok Wangyal (ཕུན་ཚོགས་དབང་རྒྱལ།) devient PhuWang (ཕུ་དབང།). Cependant, tous les Tibétains ne le font pas, soit parce que ça sonne étrange ou parce que c’est difficile à prononcer.
D'autres personnes utilisent simplement le premier ou le second nom. Quelqu'un qui s'appelle Nyima Wangdu (ཉི་མ་དབང་སྡུད།) peut être appelé seulement Nyima (ཉི་མ།). Une personne appelée Tsering Yangchen (ཚེ་རིང་དབྱངས་ཅན།) peut choisir de n'être appelée que Yangchen (དབྱངས་ཅན།).
Et il y a des gens qui considèrent qu'utiliser les deux noms ensemble sonne beaucoup mieux et utiliseront les deux tels quels.
Photo © Olivier Föllmi
Salt Butter Tea est un blog anglophone sur la culture tibétaine (www.saltbuttertea.com).